La question aurait du être: Dans la course au matériel quel est le premier écueil à surmonter ?
La réponse qui vient à l’esprit immédiatement c’est: le prix.
FAUX !
« Ben non », ce n’est pas le prix, c’est: l’utilité
C’est en effet l’erreur que nous commettons tous au début. En tout cas pour ma part. Un élément de matériel ne doit théoriquement jamais se choisir en fonction de son prix. Bien sûr la limite haute représente un frein mais bien souvent il inutile de la taquiner.
Je prends pour exemple l’un des derniers objectifs de Zeiss en monture M et de focale 35mm qui m’a tenté récemment. Il a été présenté au salon de la photo l’année dernière à Paris. Le Distagon 35mm F/1.4 (à gauche) complétant la gamme ZM déjà équipé du Biogon 35mm F/2 (à droite).
Alors l’un ou l’autre ?
En argentique les prises de vues en basse lumière représentent souvent un souci car on perd le choix du contraste contraint par un développement poussé. De fait pour garder la main sur le choix du contraste on se retrouve très vite attiré par les optiques à grandes ouvertures qui permettent de gagner de précieux diaphs et donc de la vitesse.
Bref, gagner un diaphragme c’est bien, en perdre c’est la guigne. Donc quand un fabriquant sort une nouvelle optique qui offre un diaphragme supplémentaire on tend l’oreille voire les deux.
Bien sûr on peut s’attarder sur la formule optique, le piqué, le contraste et autre vignettage etc … et choisir le meilleur objectif dans tous les domaines. C’est le plus sûr moyen d’atterir sur le plus cher, alors inutile de perdre son temps, mieux vaut sortir le portefeuille illico et passer à autre chose: un autre achat compulsif …
Pour éviter de tomber dans le piège de la frustration pécuniaire qui fini par gagner toutes les bourses (ou presque), il faut savoir ce dont on a vraiment besoin.
Il faut identifier la véritable utilité du matériel: MON utilité. C’est ce qui m’a convaincu de ne pas changer le Biogon pour le Distagon. Pourquoi, alors qu’on a toujours besoin d’un ou deux diaphragmes supplémentaires ?
Photos superposées pour comparaison
contour vert: j’omets le filtre UV sur le Biogon (cliquer pour agrandir)
Pour une simple et bonne raison: sa taille. Le Distagon est un géant, cela se voit bien sur les photos superposées ci-dessous. Même sans pare-soleil ce bébé change complètement l’ergonomie d’un petit boitier télémétrique léger tel que le Zeiss Ikon ZM. Avec un pare-soleil l’encombrement est tel que MON utilité pour ce type de « combo » boitier+optique devient nul.
En d’autres termes, même à prix égal je resterais sur le Biogon malgré un besoin indéniable d’une ouverture toujours plus grande. Alors quels sont objectivement MES critères d’utilité dans l’ordre pour justifier un tel choix?
- C’est un combo que j’ai toujours sur moi, l’encombrement doit donc être minimum
- Qualité optique = goût personnel: distorsion en barillet mini et facteur de flare réduit
- Prise de vue: 80% sur le vif donc avec un diaphragme fermé au delà de F/5.6
- Ergonomie ou signature selon le projet
- Prix
- Robustesse perçue: perçue ? oui, il n’existe aucun critère objectif là dessus autant l’avouer …
- Piqué: franchement n’importe quelle optique à F/8 est plus piquée que ma main (en terme de flou de bougé) …
- Vignetage etc … importance négligeable pour moi
Quand on est clair sur ses besoins il est simple de faire un choix. Dans mon cas dès le premier point le Distagon est en dehors des clous. Sur le point 2 il est difficile d’améliorer les performances du Biogon qui est déjà au top. Pas de changement pour l’ergonomie, si ce n’est la taille. Et il ne répond que pour 20% de mes besoins pour le point 3. Pour le prix en revanche la différence est très marquée et doit donc être contrebalancée par un point d’utilité très positif: aucun dans mon cas.
Si en revanche la majeure partie de mes prises de vues se faisaient en interieur ou la nuit en exterieur et que je n’ai pas le besoin ou l’envie de l’avoir toujours sur moi, alors en effet mon choix pourrait être inversé.
Pour choisir son matériel déterminer son utilité me semble être la meilleure approche. Pour enfoncer le clou: le bokeh (la qualité et quantité du flou au delà du plan de mise au point) est un mauvais argument, ou mieux dit: ce n’est pas un argument fort.
Certes il est plus marqué et donc le sujet se détache un peu plus nettement du fond. Mais c’est surtout visible ou disons très marqué pour des distances de mises au points faibles. Donc pour une utilité assez spécifique. Indéniablement beau (voir le logo Zeiss en haut des photos ci-dessous qui disparait dans un fondu superbe) mais indéniablement spécifique aux courtes distances.
Au dessus avec le Biogon à F/2, au dessous avec le Distagon à F/1.4 [Tri-X @ EI 800]
La question sous-jacente qui reste c’est pourquoi le Zeiss Biogon et pas un autre 35mm ? C’est l’objet d’une autre discussion, mais en résumé c’est un des meilleurs compromis pour mes critères.
Commentaires récents