En photo argentique on parle fréquemment de traitement poussé ou plus rarement de traitement retenu. Les mentions +1, +2, +3 ou -1 accompagnent le plus souvent ces termes. Que signifient-ils ?
Lapins dubitatifs (ça change des chats, humour …)
HP5+ exposé à EI 1600 développement poussé à +2
Ce qui distingue entre autre le procédé photographique argentique de l’imagerie numérique c’est l’impact du choix irréversible du développement sur le rendu final. Un des aspects fondamentaux de ce choix concerne le temps de développement utilisé.
Les traitements poussés (+1, +2, +3 …) ou retenus (-1, -2 …) font simplement références à des temps de développements différents du temps de développement de référence qui porterait la mention +0.
- Traitement poussé: mention positive (+1, +2 …) le temps de développement est supérieur à celui de référence
- Traitement retenu: mention négative (-1, -2 …) le temps de développement est inférieur à celui de référence
La conséquence d’un temps de développement accru est l’augmentation de la densité (« la noirceur ») du négatif mais aussi et surtout l’augmentation du contraste entre les zones claires et les zones sombres. Inversement la réduction du temps de développement conduit à une diminution de sa densité ainsi qu’à un affaiblissement de son contraste.
On peut facilement affecter la densité du négatif lors de l’exposition. Quand on augmente l’exposition on augmente la densité du négatif et inversement. Donc pour tout temps de développement il existe une exposion, donc un couple [vitesse-diaphragme], qui permet d’obtenir un négatif de même densité. En revanche le contraste lui sera différent pour chaque temps de développement différent de celui de référence.
Par exemple dans le cas du traitement poussé: afin de compenser l’augmentation de densité qui résulte de l’accroissement du temps de développement on peut réduire le temps d’exposition afin de conserver la même densité ou le même gris moyen de référence. Cela revient donc à exposer le film comme si sa sensibilité était supérieure. Autrement dit: comme si le film avait moins besoin de lumière.
C’est le cas de l’illustration juste au dessus: le gris moyen de référence obtenu est le même quelque soit le traitement car dans chaque cas l’exposition est modifiée afin de conserver le même niveau de gris moyen, la même densité sur le négatif.
Le truc tout bête mais absolument crucial (en tout cas pour moi à mes débuts) à comprendre c’est qu’on peut exposer un film ou une pellicule à un niveau d’ISO totalement différent de celui indiqué par le fabriquant. Afin de différencier le niveau choisit pour l’exposition du film de l’indice ISO donné par le fabriquant on le nomme EI comme Indice d’Exposition (ou Exposure Index en anglais).
Sur les appareils automatiques qui reconnaissent le code DX d’une pellicule il faut débrayer la lecture automatique de la valeur ISO de la pellicule et forcer manuellement la valeur de l’Indice d’Exposition EI qu’on veut utiliser. C’est possible dans la grande majeure partie des cas, il suffit pour cela de consulter le manuel de l’appareil.
C’est le cas de l’exemple de la photo des lapins dubitatifs en haut de cette page qui a été prise avec un film HP5+ exposé à EI 1600. C’est à dire qu’elle a été exposée comme si l’indice ISO du film était de 1600 alors qu’Ilford (le fabriquant) préconise un indice ISO de 400 pour cette pellicule.
Dans la mesure où ce film a reçu beaucoup moins de lumière que prévu, puisqu’exposé à EI 1600 au lieu de ISO 400, si je le développe normalement le négatif ne sera pas très dense donc ma photo finale sera très noire. Pour compenser ce manque de densité je choisi d’allonger le temps de développement donc de pousser le film. Mais je suis obligé de subir l’augmentation de contraste qui en résulte.
C’est particulièrement visible sur les photos de l’article Premier concert argentique: Pilgrim et le trou noir qui ont toutes été poussées. Le contraste est important sur toutes ces photos et la plupart des noirs sont bouchés (sans détails).
Dans le principe le choix d’un traitement poussé ou retenu devrait être basé sur le choix du contraste désiré. Mais dans la pratique c’est différent car il est assez rare de vouloir accentuer le contraste au niveau du négatif. En effet il est plus facile d’augmenter le contraste au tirage si nécessaire que de le réduire. On recherche plus souvent la grande latitude de travail au niveau du tirage que procure un contraste modéré.
Donc en réalité on a tendance à utiliser le traitement retenu pour bénéficier d’une réduction de constraste et le traitement poussé pour profiter de l’augmentation de densité. Ce qui permet d’exposer le film comme s’il avait une sensibilité plus élévée. Compte tenu de la relative petitesse des valeurs ISO des pellicules disponibles sur le marché on entend plus souvent parler de traitement poussé que retenu essentiellement pour s’affranchir des problèmes de faibles illuminations.
Tri-X exposé à EI 1600 développement poussé à +2
Quid des mentions +2, -1 etc … ?
En photographie l’unité de base de l’exposition est l’IL (indice de lumination) ou EV (Exposure Value) en anglais. Le plus simple pour la comprendre est de considérer que la variation d’un cran sur l’échelle des diaphragmes (cran DIAPH) correspond à la variation d’une valeur d’IL ou EV et correspond aussi au doublement d’une valeur d’ISO donc:
+1 cran DIAPH = +1 EV = ISO x 2
-1 cran DIAPH = -1 EV = ISO / 2
Les mentions +2, -1 etc … font référence à une variation d’autant de crans DIAPH par rapport à la valeur ISO de référence. Faire un traitement poussé à +2 d’une pellicule HP5+ 400 ISO signifie choisir le temps de développement qui permet d’obtenir le même gris moyen de référence que si le film avait été exposé à 400 ISO alors qu’on l’a exposé à +2 donc à 400 x 2 x 2 = 1600 équivalent ISO.
Selon les conditions de lumière on peut vouloir augmenter ou réduire le contraste, cela conduit donc à un choix délibéré de traitement poussé ou retenu balancé par une exposition adéquate.
Concernant les négatifs couleurs le choix du contraste et de l’exposition est crucial dans le rendu final des couleurs. Selon les choix les résultats colorimétriques peuvent être dramatiquement différents.
Le choix de l’exposition et du développement sont donc loin d’être aussi anodin qu’on peut se l’imaginer au prime abord.
Lorsqu’on pousse un film pour la seule et unique raison de gagner en sensibilité médiane on grince souvent des dents à l’augmentation du contraste. De là découle tout un ensemble de technique de développement noir et blanc dont le « stand development », développement à 2 bains etc … ayant pour but de réduire la densité des hautes lumières du négatif tout en augmentant celle des ombres.
Mais c’est une autre histoire …
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet article très instructif !
Je n’ai qu’une seule question :
Peut on pousser à +0,5, +1,5 ect. Par exemple, d’utiliser une Iso 200 à Iso 600 (+1,5), puis de demander au labo un traitement poussé de +1,5 ?
Merci d’avance.
Bonjour Alfred,
Oui c’est tout à fait possible! mais ça va dépendre de ton labo, certains sont restricitifs et ne poussent qu’à +1 ou +2 d’autres acceptent volontier les valeurs intermédiaires.
A bientôt !
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant.
J’ai pour ma part un Mamiya C330 et je souhaite savoir s’il est possible avec ce type d’appareil photo de pousser un négatif ?
J’ai déjà réalisé cette technique avec un 24×36 automatique mais avec le Mamiya C330 le choix de l’iso du négatif ne se fait pas.
Merci
Tout est manuel sur ceet appareil, c’est ça qui est génial, tu peux pousser, retenir, t’amuser comme un fou !
Plus sérieusement pousser/retenir un film est un choix d’exposition et de développement. Avec un appareil manuel on peut se servir d’une cellule de mesure externe pour choisir son exposition ie sa sensibilité etc… 😉