A. La base
Un papier photographique est un papier recouvert d’une surface photosensible: l’émulsion photographique sensible à la lumière. Une fois exposé à la lumière le papier doit être 1. chimiquement développé et 2. insensibilisé à la lumière pour faire 1. apparaître l’image et 2. la rendre permanente. Ainsi on obtient une image définitive. Ce papier est généralement utilisé pour produire un tirage photographique.
Un tirage peut-être soit direct, c’est le cas du photogramme, soit indirect lorsqu’on utilise une image déjà formée sur une autre support, c’est le cas du tirage à partir d’un négatif photo. On peut dénombrer plusieurs techniques de tirage direct et indirect, sur lesquelles je reviendrai plus tard. Pour l’heure commençons par le b.a.-ba du papier photographique noir et blanc.
B. L’émulsion photosensible
Il existe deux grands types d’émulsions:
- L’émulsion négative: c’est de loin la plus connue, elle produit une image négative i.e. seules les zones de l’émulsion exposées à la lumière noircissent.
- L’émulsion positive: elle produit une image positive i.e. seules les zones de l’émulsion non exposées à la lumière noircissent. Son utilisation reste très marginale.
Lorsqu’une émulsion est couchée sur un papier blanc on obtient une image noire, pour les parties de l’émulsion ayant noircies, et blanche, pour les parties de l’émulsion n’ayant pas noircies. Ces dernières sont donc restées transparentes. L’ensemble des tons entre ces deux extrêmes est bien entendu reproduit selon que l’émulsion est plus ou moins noircie donc plus ou moins transparente.
C’est vrai pour le papier photographique standard du cas 1. (émulsion négative) qu’on utlise avec un négatif. En effet une image négative tirée sur papier négatif donne une image positive. Mais c’est également vrai pour le cas 2. (émulsion positive) -papier positif direct- qu’on utilise directement dans un appareil à sténopé par exemple ou bien encore dans un appareil photo afin d’obtenir une image positive sans étape intermédiaire.
La gélatine photographique du papier photo fonctionne sur les mêmes principes que ceux de la gélatine photo d’un film négatif. J’ai d’ailleurs évoqué les fondements de ces mêmes principes dans cet article. Les étapes de développement sont bien entendu similaires, mais j’y reviendrai une autre fois.
Il existe pluieurs type d’émulsions photographique noir et blanc, dans les grandes lignes nous avons:
Les émulsions au Chlorure d’argent [AgCl] elles sont très lentes (très peu sensibles à la lumière) et sont destinées aux travaux de tirage par contact avec des temps de pose très long. Leur sensibilité se réduit aux UV et au violet. Leur gamme tonale très graduelle est incomparablement étendue. Pour certains même, elle est plus étandue que la gamme tonale des tirages au platine! Avec pour couronner le tout un excellent contraste dans les tons moyens. La teinte des tirages est assez chaude.
Tous les grands photographes du 20ième siècle des années 20 à 50 ont utilisé ce type d’émulsion désormais tombé dans l’oubli. Le célèbre papier AZO de Kodak n’est plus produit, mais il existe un couple d’irréductibles qui maintient ce type de papier en vie sous le nom Lodima.
Les émulsions au Bromure d’Argent [AgBr] elles sont très rapides (très sensibles à la lumière). Leur sensibilité s’étend presque jusqu’au vert. Leur gamme tonale plus courte ne peut rivaliser avec celle des émulsions au Chlorure d’Argent. La teinte des tirages va de neutre à assez froide.
Les émulsions au ChloroBromure d’Argent ont permi les travaux à l’agrandisseur qui nécessitent des temps de pose court. Ce sont celles que l’on trouve dans tous les papiers photo de nos jours. On cherche ici bien-sûr à préserver les avantages des deux composants mais bien entendu c’est un jeu de compromis.
Quoiqu’il en soit on constate alors que les principaux composants sensibles à la lumière dans l’émulsion des papiers modernes les plus courants (ChloroBromure d’Argent) ont une sensiblité à la lumière qui peut aller du violet, bleu jusqu’au cyan, mais pas nécessairement jusqu’au vert et certainement pas jusqu’au rouge.
La lumière bleue est dite actinique (qui active une réaction), c’est celle du soleil directe ou se reflètant sur le bleu du ciel qui a permis de conquérir les premières émulsions photosensibles lors des premiers pas de la photographie.
Par opposition, la lumière dite inactinique (qui n’active pas de réaction) est à l’opposé du spectre de sensibilité des procédés historiques c’est donc le rouge (l’opposé du cyan, couleur du ciel).
De fait l’éclairage inactinique (qui ne risque pas de voiler le papier) des chambres noires est rouge, parfois orange, plus rarement vert (les papiers modernes n’aiment pas le vert car la formulation de leur émulsion est un peu plus complexe…).
Une émulsion photographique sensible à une lumière bleu ou verte (du violet au jaune) est dite orthochromatique, elle peut être manipulée sous lumière rouge sans être endommagée/voilée.
Les papiers photographiques noir et blanc sont donc orthochromatiques, c’est à dire insensibles à la lumière rouge.
B. Teintes et couleurs
Trois notions sont à distinguer: la teinte de l’émulsion, la couleur du papier, et la couleur du noir (oui le noir a une couleur! il est généralement froid -tirant sur le bleu- ou chaud -tirant sur le brun-).
On peut donc avoir une émulsion teintée sur papier blanc, une émulsion non teintée sur papier qui possède une dominante de couleur (généralement chaude i.e. crème), une émulsion teintée sur un papier à dominante etc… La nomenclature des teintes est vague et se réduit souvent à: papier ton neutre, papier ton froid, papier ton chaud.
Bien entendu la teinte affecte la couleur des noirs également puisque c’est toute l’émulsion qui est concernée. Mais ces teintes sont pour la majeur partie d’entre elles très légères. Lorsqu’on veut donner une couleur plus prononcée aux noirs du tirage on pratique ce que l’on nomme un virage. C’est une opération chimique qui affecte la couleur des parties sombre du tirage, les parties claires, elles, restent tributaires de la teinte de l’émulsion et de la couleur du papier.
C. Les types de papiers
Il existe deux grandes familles de papiers:
Les papiers dit RC (Resin Coated): le papier avant de recevoir l’émulsion est enfermé entre deux couches de polyéthylène.
- Avantage: lors des étapes de dévelopement le papier ne s’imprègne pas de chimies, il se rince donc plus rapidement car seule l’émulsion très perméable à l’eau a besoin d’être lavée. Aucune chimie ne restant dans le papier, on ne craint pas sa dégradation dans le temps par ce biais. Il ne gondole pas au séchage. Ce sont des papiers peu honéreux.
- Désavantge: le polyéthlène n’est pas stable dans le temps, il peut se dégrader, de fait ces papiers ne sont pas considérés comme « archivables » i.e. fait pour endurer les outrages du temps.
Les papiers dit barytés: ils sont entièrement constitués de fibres de cellulose, d’où la mention FB: Fiber Base en anglais (*). Ce papier nu est recouvert de sulfate de barium (et de sulfate de strontium). La fonction du sulfate de barium est double:
- Il réfléchit la lumière et crée ainsi une image éclatante
- Il empêche les impuretés du papier de migrer dans la gélatine ce qui l’endommagerait
C’est le summum du papier photographique pour les travaux d’exposition
- Avantages: Noirs profonds, l’abscence de matières plastiques et la nature du papier en font un support considéré comme « archivable »
- Désavantages: Le papier n’étant préservé des chimies lors des étapes du développement il doit être rincé très longtemps afin de laver tous les résidus de produits qui pourraient déteriorer le support au cours du temps. Il gondole au séchage. Il est plus honéreux que le papier RC.
(*) Il existe deux type de fibres de cellulose, le fibres courtes, les plus répandues, moins chères, et les fibres longues, plus chères, qui garantissent une meilleure tenue du papier. En l’abscence de précision on doit considérer avoir à faire à des fibres courtes. Les fibres longues sont nommées « cotton rag » (coton qualité textile) et devraient strictement provenir de véritables fibres textiles reconditionnées pour former du papier. Les techniques qui nécessitent un grand nombre de manipulations en milieu humide ont sélectionné les meilleurs papiers sur ce critère. Mais ils s’agit surtout de techniques anciennes très différentes de ce qui est évoqué ici.
D. Les grades
Le contraste d’un tirage papier est lié à la formulation de son émulsion, certains papiers sont à fort contraste, d’autres à faible contraste. Mais les papiers à grade/contraste fixes ont tendance à disparaître (seuls les grades moyens sont encore commercialisés) pour laisser place à des émulsions modernes qui permettent d’attribuer au papier le grade ou contraste souhaité. Ces papiers sont dit à contraste variable (VC en anglais pour Variable Contrast) ou multigrade.
L’échelle des grades renseigne sur le contraste intrinsèque du papier ou celui qu’on peut lui attribuer dans le cas des papiers à contraste variable. L’échelon est le demi-grade
- Du plus faible contraste: Grade 00
- Au plus fort contraste: Grade 5
L’échelle complète comporte 12 grades: 00 – 0 – 0.5 – 1 – 1.5 – 2 – 2.5 – 3 – 3.5 – 4 – 4.5 – 5
Comment fonctionnent les émulsions à contraste variable?
le papier est enduit de deux ou trois couches d’émulsion d’égal contraste et sensibilité à lumière bleue, mais de sensibilité différente à la lumière verte. Donc lorsqu’exposé à une lumière bleue, les différentes couches d’émulsion réagissent et leur contribution s’additonne pour donner un contraste maximum. Mais lorsqu’exposé à une lumière verte toutes les couches ne vont pas nécessairement réagir, et la somme de leur contribution restera faible, produisant donc une image à faible contraste.
De fait en faisant varier la couleur de la lumière entre le bleu et le vert on peut choisir le contraste du papier. On comprend donc bien d’où vient la disparition des lumières inactiniques vertes…
Concernant la lumière utilisée pour exposer le papier deux méthodes sont alors employées pour obtenir le grade voulu:
- Soit on utilise des filtres pour changer la couleur de la lumière
- Soit on utilise une source de lumière munie d’un dispositif d’ajustement de couleur
Dans le cas 1. on utilise des filtres de couleurs prévus à cet effet. En voici un exemple ci-dessous:
Les filtres fonctionnent par opposition de couleur, par exemple la couleur opposée au vert est le magenta. Donc un filtre de couleur magenta laisse passer le magenta mais pas le vert, c’est d’ailleurs pour cela qu’on le perçoit de couleur magenta. On obtient donc avec un filtre magenta un contraste important (le bleu va faire réagir les couches d’émulsion).
La soustraction d’une couleur du spectre fait apparaître la dominante opposée, ainsi un filtre jaune bloque le bleu. De fait le filtre correspondant au contraste minimum sera de couleur jaune, car le bleu étant bloqué, seul la lumière verte pourra faire réagir les différentes couches d’émulsions.
On sait maintenant quelle couleur de lumière inactinique on peut récupérer dans les vides greniers. Vertes pour le travail à l’ancienne, sur papier au Chlorure d’Argent par exemple, mais c’est devenu quasi impossible à moins de tomber sur de vieux stock de papier. Rouges pour le travail avec des papiers à émulsions modernes.
Egalement on comprend d’où vient la différence et la raison d’être des papiers RC ou Barytés, on peut donc faire un choix approprié aux travaux envisagés. Pour débuter et se faire la main il est évident qu’il faut partir sur un papier RC à contraste variable. De part sa facilité d’utilisation et son coût c’est le meilleur outil d’apprentissage.
On est maintenant prêt pour pour le tirage !
Des explications toujours aussi claires et limpides. J’ai un réel plaisir à lire.
Merci Thierry!
Merci pour cette somme de connaissances
Top. ….!
Merci à toi de ton passage 😉
Se faire mousser à bon compte en enfonçant des portes ouvertes ….
Ah! fichtre! bon sang! je suis découvert!
Merci de ton passage Eric! et d’avoir pris le temps de partager tes pensées!
Excellente journée à toi!