On sait que la pellicule doit recevoir une certaine quantité de lumière: laquelle ?
La réponse à cette question est donnée par la mesure d’exposition. Le principe de fonctionnement cette mesure est inaccessible si on ne comprend pas la notion simple et fondamentale présentée en A. tout le reste en découle …
A. Gris moyen neutre de référence, le gris 18%
B. Les deux types de mesure d’exposition
C. Mesure de lumière réfléchie
D. Mesure de lumière incidente
E. Dans quels cas utiliser l’une ou l’autre de ces mesures
A. Gris moyen neutre de référence, le gris 18%
Point d’ancrage fondamental: Toute mesure d’exposition fait référence à un gris moyen neutre.
Moyen comme ni trop foncé ni trop clair et neutre comme de couleur neutre i.e. sans teinte, un vrai gris joli.
En termes clairs pour ce qui concerne l’exposition la couleur ne compte pas, toute scène est considérée du point de vue de sa « Luminance ». Et pour faire court dans l’intérêt d’une compréhension rapide on peut faire l’analogie Luminance – Tonalité. Dans cette analogie par tonalité on entend nuances de gris. Toute scène est donc un mélange de nuances de gris: ses valeurs.
Lorsqu’on dit que l’exposition fait référence à un gris moyen cela revient à dire que si l’on devait faire la moyenne de tous les tons de la scène, une image, une photo « bien exposée » de celle-ci serait d’une tonalité gris moyen.
Afin d’évaluer si l’image est bien exposée il faut donc comparer la moyenne de ses valeurs au gris moyen neutre de référence. Dans l’exemple ci-dessous on se rend compte que la photo est légèrement sur-exposée (car la moyenne de ses valeurs est trop claire) par rapport au gris de référence:
La mesure d’exposition est donnée par différents types de cellule. Afin que toutes les cellules des différents fabriquants donnent le même résultat elles sont toutes calibrées sur un même gris moyen et neutre de référence souvent appelé gris à 18%, gris 18% ou encore charte de gris 18% etc …
La question qui vient immédiatement à l’esprit c’est pourquoi 18% si c’est un gris moyen ? moyen c’est du milieu non ? 50% au milieu et on passerait à autre chose. Il suffit de retenir que l’étalonnage du gris moyen ne se fait pas sur une échelle linéaire. Changement de repère, ca te rappelle quelque chose ? et Paf! on est moyen à 18% … tout dépend du repère … CQFD
Si on va plus loin on fait de la prose technique pour s’amuser, et ici je veux rester pratique. Et zou dans les dents le débat 12 – 18 du pourcentage d’un gris joli …
Dans la pratique on s’aperçoit que certaines cellules ne donnent pas exactement les mêmes mesures.
– Problèmes d’étalonnage ? de référenciel ?
– On s’en tamponne le coquillard.
Cela importe peu et nous verrons pourquoi.
Un dernier point d’ordre général avant d’entrer dans le détail:
Le mesure d’exposition peut se présenter de plusieurs façons i.e. sous plusieurs unités, la plus commune étant l’EV (Exposure Value) ou en bon français l’IL (Indice de Lumination). « Commune » ne signifiant pas « pratique », en réalité la manière la plus répandue de présenter le résultat de la mesure d’exposition c’est sous la forme du couple Diaphragme-Vitesse d’Obturation pour une valeur d’ISO fixée.
B. Les deux types de mesure d’exposition
C. Mesure de lumière réfléchie
Pas de piège: on mesure la lumière qui se réfléchie d’une scène, d’un sujet. C’est la mesure d’exposition la plus employée car sa mise en oeuvre est pratique. En revanche elle n’est pas simple. Et c’est ce qui trompe, pratique ne signifie pas nécessairement simple.
C’est par exemple la mesure d’exposition employée dans la majeure partie des appareils photos. Dans le cas des appareils à visée reflex, on l’appelle le plus souvent mesure TTL (Through The Lens) soit en bon français-saucisson-entre-les-dents: mesure à travers l’objectif.
La cellule située à l’intérieur de l’appareil mesure donc bien la lumière réfléchie par la scène et/ou le sujet.
Bien que très pratique, puisque la mesure se fait directement dans l’appareil, elle a un énorme inconvenient:
Si la scène est sombre: par exemple un homme en smoking (noir) devant l’entrée d’un long et large tunnel non éclairé. Même en plein jour cette scène réfléchie très, très peu de lumière. Même en plein jour la cellule va crier famine et indiquer un temps de pose très long. Ce qui va conduire à une sur-exposition car la cellule veut tout ramener à une valeur équivalente à celle du gris moyen de référence. Le smoking ne sera plus noir et les tons clairs vont devenir blanc. L’image, la photo « grillée » devient illisible. Ce qui pour la cellule est correctement exposé ne l’est pas nécessairement en réalité. Exemple:
Cette méthode fonctionne donc très bien pour toutes les scènes ou sujets qui ont une moyenne de valeurs tonales proches du gris de référence. Fort heureusement c’est un cas relativement fréquent. Mais il n’est cependant pas rare de rencontrer des situations telles que celles de l’exemple de l’illustration ci-dessus.
Ou bien encore le cas opposé d’une scène très claire, comme une mariée en robe blanche devant des rideaux blancs. La cellule percevant une moyenne de valeurs trop claire par rapport à son gris de référence va pointer vers une réduction de l’exposition, par exemple en conseillant de fermer le diaphragme pour assombrir la scène. La robe blanche devient grise, les rideaux aussi, ainsi que la mariée en voyant ses photos aux tons « Paris-La-Défense 2 minutes d’arrêt ».
Il faut donc renseigner la cellule de mesure sur la tonalité de la scène pour apporter la correction idoine et obtenir l’exposition souhaitée. On appelle cela la correction d’exposition. Dans notre exemple ci-dessus, si on veut obtenir un smoking noir et non gris clair il faut indiquer à la cellule que la scène est sombre et donc qu’au lieu d’exposer cette scène pour obtenir un ton moyen égal au gris moyen, il faut l’exposer pour obtenir une valeur moyenne de gris très sombre, ou même noir.
C’est la fonction du fameux bouton de correction d’exposition que l’on peut voir sur tous les appareils munis d’une celle de mesure d’exposition.
Une correction positive indique que la scène est plus claire que le gris de référence et à l’opposé une correction négative indique que la scène est plus sombre que le gris de référence.
La question suivante est normalement: comment savoir quelle correction appliquer dans notre exemple au smoking -1/3, -1, -2 ? Et bien ça dépend, et c’est là ou le bas blesse. Car cela s’apprend avec l’expérience. Sur certains appareils il faudra corriger cette scène de -2 et sur d’autres de -1 2/3. Il est donc important d’acquérir de l’expérience avec ce type de mesure de façon à anticiper la manière dont la cellule va interpréter la scène.
Comment mesure-t-elle i.e. quelle correction faut-il lui apporter pour le bitume, le béton, l’herbe, le ciel, toutes les applats rencontrés en permanence ? En construisant cette petite base donnée personnelle on finit par « connaître » son boitier. Changer de boitier c’est donc bien changer de cellule, changer d’outil et donc revoir sa base de donnée. Ca n’est donc jamais anodin.
De plus cette correction va varier selon le mode d’exposition choisi: global (multizone, matricielle, évaluative selon les fabriquants), pondéré central, spot etc … En effet tout ce que font ces différents modes c’est de choisir tout ou portion de la scène pour en faire la moyenne des valeurs et la comparer au gris de référence. Donnant ainsi une mesure qui justement ramène cette portion de l’image à la tonalité du gris de référence.
Donc si on prend un mode qui se concentre sur une toute petite partie de la scène, et que cette partie est très différente du reste de la scène, la mesure donnée (et donc la correction à lui apporter) sera différente d’une mesure faite en utilisant un mode global. Je reviendrai plus précisement sur la pratique de la mesure d’exposition une autre fois. En deux mots: c’est simple il suffit de savoir quelle portion de l’image le mode selectionné utilise pour interpréter correctement sa mesure.
En résumé, la mesure de lumière réfléchie utilisée correctement nécessite des corrections permanentes car dès que le cadrage ou la scène change, la mesure va varier également, même si la lumière n’a pas changé d’un iota. Il suffit pour s’en rendre compte de changer la proportion de ciel dans son cadre.
Quid des appareils qui n’ont pas de cellule intégrée ? On utilise alors une cellule à main externe. Beaucoup de ces cellules livrent une mesure de lumière incidente et dans certain cas offrent également la possibilité de faire une mesure de lumière réfléchie également.
D. Mesure de lumière incidente
Ici on mesure bien la lumière qui éclaire le sujet, la scène. On mesure la lumière avant qu’elle ne soit « polluée » (affectée) par la nature du sujet ou de la scène. On mesure les rayons incidents et non ceux réfléchis. Ce type de mesure s’effectue grâce à une cellule, un outil dédié: le posemètre aussi appelé flashmètre quand il peut faire une mesure sur l’éclair d’un flash.
La lumière mesurée n’ayant pas encore été affectée ou modifiée par la nature du sujet, on a une mesure absolue et non relative, de fait elle ne nécessite aucune correction ou interprétation et peut être utilisée directement. En effet que la scène soit claire ou sombre, la lumière incidente, qui éclaire cette scène, est toujours la même.
De la même façon que pour tout autre type de mesure la référence est le gris moyen. C’est à dire que si on utilise le résultat de la mesure directement (sans correction) un carton ou tout autre sujet gris moyen photographié dans ces conditions, sera rendu au final exactement gris moyen. Exit les sur et sous-expositions involontaires. Et surtout Exit les corrections d’exposition mal évaluées ! Noir sur noir ? pas de problème! Blanc sur blanc ? la ballade !
La mesure de lumière incidente est donc d’une énorme simplicité. En revanche elle est peut employée, car peu pratique. en effet, elle ne peut être embarquée à l’interieur de l’appareil photo et requiert donc un ustensile supplémentaire à transporter. De plus il faut savoir dans quelle direction la pointer. La réponse est aisée: vers la lumière incidente, oui, mais cela ne semble pas être évident pour le plus grand nombre. La mesure embarquée, elle, même si on y comprend rien est toujours à disposition. Ceci étant quand on connait son fonctionnement elle est tout aussi efficace …
Comment ça marche ?
La demi-sphère blanche qui recouvre le capteur fait figure de demi-espace à partir duquel la lumière est mesurée.
Sur certaines cellules ce dôme peut-être rentré afin d’effectuer une mesure non-plus sur un demi-espace complet mais dans une direction plus précise. Ce qui est très utile lorsque la lumière est très directionnelle et non diffuse. Lorsque la lumière est très diffuse, par exemple sous un ciel couvert, pointer le dôme sorti ou fermé dans n’importe quelle direction, pour autant que ce soit vers le haut donnera la même mesure.
Rentrer le dôme pour effectuer une mesure est utile lorsqu’on veut vraiment différencier la contribution de différentes sources de lumières. Ainsi que pour mesurer plus précisement la contribution d’une source de lumière très directionnelle et analyser sa dureté, son contraste.
Il faut donc avant tout chose comprendre le fonctionnement de ce genre de cellule afin de savoir dans quelle direction pointer le dôme. Ce point trivial est source d’une grande confusion et de nombreux débats stériles. En réalité il n’existe de bonne ou mauvaise mesure que pour l’application particulière qu’on lui destine. C’est précisément à cela qu’il faut être attentif, si on comprend ce que l’on fait on peut correctement interpréter la mesure et l’utiliser à bon escient.
Pour clarifier cela prenons l’exemple ci dessous d’un sujet éclairé par une fenêtre plein sud. La mesure de lumière incidente doit donc se faire au niveau du sujet en pointant le dôme vers la fenêtre qui est la source de lumière unique de la pièce. Une pratique très répandue et la majeur partie du temps incomprise consiste à pointer le dôme vers l’appareil photo (cas de gauche dans l’illustration ci-dessous). On constate aisément que le dôme n’étant que partiellement éclairé par la fenêtre la cellule va percevoir moins de lumière que si le dôme était pointé vers la fenêtre. La mesure qui en résulte va donc pousser vers un temps d’exposition plus long, un diaphragme plus ouvert ou une sensibilité ISO plus importante. Ce qui conduit inévitablement à une sur-expostion.
C’est un véritable problème dans le cas d’une prise de vue à la diapositive argentique ou à l’appareil photo numérique. Ils partagent tous les deux le même problème: la sur-exposition leur est fatale. Si le sujet est très pâle, on risque à coup sûr de « bruler » son visage côté fenêtre (bruler: rendu blanc et sans détails des tons clairs). Donc pointer le dôme vers l’appareil dans ces deux cas (diapositive ou capteur numérique) à moins de prendre consciemment un risque inutile, relève de l’incompréhension de la mesure …
C’est une toute autre histoire dans le cas d’une prise de vue au négatif argentique. Cela peu avoir de l’intérêt car on sait que le propre du négatif est de très bien supporter la sur-exposition et de très mal supporter la sous-exposition. En procédant de la sorte (dôme pointé vers l’appareil photo) on conserve donc toujours une marge de sécurité pour plus de détails dans les ombres. C’est une approche possible mais pas nécessairement la plus appropriée pour « gérer » le contraste de la lumière. Encore faut il l’appliquer dans la bonne situation …
E. Dans quels cas utiliser l’une ou l’autre de ces mesures ?
Mesure de lumière incidente – on cale la lumière -:
- Pour des travaux nécessitant une homogénéïté d’exposition sans faille
- Pour sa simplicité et éviter de se faire piéger dans une situation inhabituelle
- Pour caler parfaitement ses ratios de lumière quelque soit le sujet
Mesure de lumière réfléchie – on cale la tonalité -:
- Pour éviter de transporter un ustensile supplémentaire
- Pour caler exactement une tonalité voulue pour le sujet en question (zone system, j’y reviendrai)
- Pour mesurer un sujet physiquement inaccessible
Merci! Je sens que je vais faire vraiment connaissance avec le site.
Bienvenu à toi Philippe !
Bonjour, merci pour cet article très intéressant. Surtout pour l’utilisation de la mesure de la lumière incidente.
J’ai une question. Comment fait on pour mesurer la lumière incidente, pour faire un portait en intérieur par exemple, mais avec deux (ou plus) sources de lumière (deux fenêtres par exemple, situées face à face).
Bonjour Jean-Michel,
Tout d’abord cela dépend de ce que tu veux faire: silhouette ou non etc… et également de la façon dont le sujet est orienté par rapport à ces deux fenêtres.
Bref cela fait beaucoup de possibilités. Admettons que l’on veuille faire en sorte que le visage soit exposé de façon à être visible/discernable, dans ce cas au niveau du visage on dirige le bulbe vers une des sources de lumière (disons la plus importante) si celle-ci est directement accessible disons depuis le nez ou le menton.
Quand il existe plusieurs sources les choix sont importants et vont déterminer le rendu: on peut choisir une moyenne (on oriente le bulbe dans la direction du regard) ou bien on peut faire un choix impliquant un contraste peut-être plus marqué (si les sources sont de puissances différentes) en dirigeant le bulbe vers une seule des sources.
Sans schéma il est difficile d’être plus précis car il y a plusieurs paramètres à prendre en compte, le premier étant de savoir ce que l’on veut. Le reste découle entièrement de cette première hypothèse.
Super conseils avec beaucoup de clarté, mille merci,