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Si tu veux comprendre le principe des processus chimiques du développement argentique sans revenir à ta paillasse scolaire:

 

Illustration: De la péllicule au négatif en photo argentique

 

Comment à partir d’une pellicule photo noir et blanc photosensible parvient-on à obtenir un négatif insensible à la lumière et donc observable en plein jour ?

En trois étapes: (1) exposition de l’émulsion à la lumière puis développement soit (2) l’action de l’agent révélateur puis (3) de l’agent fixateur. J’en montre ci-dessous les fonctions essentielles et donc incontournables.  A ces trois étapes peuvent se rajouter tout un tas de petits grigris qui restent secondaires et que je vais donc omettre par soucis de simplicité.

Tout d’abord voyons la coupe typique d’une pellicule photo argentique dans l’illustration ci-dessous (l’échelle n’est pas respectée).

 

 

Illustration: Constituants d'une péllicule photo argentique en coupe

 

 

Les Halogénures d’Argent constituent la partie maîtresse de l’émulsion. Sans eux pas de sensibilité à la lumière. Ces cristaux sont répartis dans une gélatine qui leur procure un environnement tampon et stabilise certaines réactions. Un nid douillet en quelque sorte.

Les Halogénures d’Argent sensibles à la lumière utilisés en photographie argentique sont souvent sur base de Chlore [Cl] ou de Bromure [Br]. Le bromure d’argent [AgBr] étant fréquemment employé c’est celui-ci qui va nous servir d’exemple.

 

 

Illustration: Halogénure d'argent, photo argentique

 

 

Il faut retenir que l’ion Bromure est plus volumineux que l’ion Argent. Et surtout que dans la réalité les cristaux, formés par l’arrangement ordonné des ces paires Bromure d’Argent, ne sont pas parfaits. Ils contiennent des imperfections, fissures, cisaillements mais aussi des impuretés constituées par des atomes ou molécules étrangères.

L’importance de ces imperfections est assez étonnante dans la façon dont l’image va pouvoir se former sur la pellicule.

L’image apparaît en 3 temps sur la pellicule photosensible:

  1. En premier lieu lors de l’exposition i.e. quand l’obturateur s’ouvre pour laisser passer une certaine quantité de lumière ou de photons.  C’est le moment où l’image latente se forme dans l’émulsion de la pellicule.
  2. Puis ensuite au moment du développement où l’image latente va être « amplifiée » par le révélateur.
  3. Enfin cette image latente révélée sera fixée, c’est l’opération de fixage, pour devenir insensible à la lumière. C’est le fameux négatif obtenu en fin de processus de développement.

 

Voyons comment se forme l’image latente dans la série d’illustrations ci-dessous. La théorie la plus admise reconnait trois étapes dans la formation de cette image très particulière.

 

 

Illustration: Image latente formation 1/3, photo argentique

 

 

La première étape de la formation de l’image latente c’est l’exposition. C’est le moment où un photon de lumière vient frapper un cristal d’Halogénure d’Argent. Ce faisant il éjecte l’électron supplémentaire du volumineux ion Bromure.

 Au cours de la seconde étape de formation de l’image latente, l’électron éjecté qui a beaucoup trop d’énergie pour être absorbé par l’ion Argent, continue son chemin à travers tout le crystal. Et ce jusqu’à être piégé dans une imperfection, un défaut local du crystal ou par une impureté sous la forme d’un atome ou d’une molécule intrue.

 

 

Illustration: Image latente formation 2/3, photo argentique

 

 

Par suite après que plusieurs photons aient touché le crystal et éjecté plusieurs électrons de leur ion Bromure, une accumulation d’électrons se forme autour de cette imperfection locale ou impureté.

Dans un troisième temps, l’accumulation locale de ces électrons fini par créer un champ électrique négatif qui attire à lui les ions Argent positifs mal intégrés dans le crystal. La combinaison de chaque ion Argent positif avec un électron donne naissance à un atome d’Argent métallique.

 On se retrouve donc rapidement avec une petite accumulation d’atomes d’ Argent métallique qui correspond à un germe de développement. Tous les cristaux de l’émulsion qui contiennent un germe de développement forment ensemble ce qu’on appelle l’image latente.

 

 

Illustration: Image latente formation 3/3, photo argentique

 

 

A l’échelle macroscopique cette image n’est pas suffisament contrastée pour être exploitable. C’est à dire qu’il y a finallement assez peu de différence entre un crystal insolé contenant un germe de développment et un crystal non insolé i.e. qui n’a pas recu de lumière (ou photons) et qui ne contient aucun germe de développement.

C’est là qu’intervient la fonction du révélateur: renforcer la différence entre les cristaux insolés et ceux non insolés en finissant la transformation complète du crystal insolé en Argent métallique à partir de son germe de développement. Le germe de développement agit comme catalyseur de la transformation.

 

 

Illustration: Action du révélateur, développement photo argentique

 

 

Penser que le révélateur n’agit que sur les Halogénures d’Argent contenant un germe de développement n’est vrai que dans un premier temps. En réalité si on laisse l’émulsion en contact avec le révélateur suffisamment longtemps, celui-ci finira par affecter tous les cristaux de l’émulsion. L’action du révélateur joue donc sur la différence de vitesse de réduction de l’Argent des cristaux insolés et celle de l’Argent des cristaux non insolés …

Plus concrètement prenons maintenant l’exemple ci-dessous d’une scène simple et sombre: une lampe allumée sur un bureau noir dans une pièce noire.

 

 

Illustration: Exemple scène simple sombre

 

 

Une fois la pellicule photo argentique exposée, l’image latente ressemble à l’illustration ci-dessous. La partie sombre de la scène correspond à des cristaux d’Halogénures d’Argent non insolés puisqu’aucune lumière ne leur est parvenue.  Et la partie claire de la scène: la lampe, correspond sur l’émulsion de la pellicule à des crystaux piqués d’un point noir (qui représente le germe de développement).

 

 

Illustration: Exemple image latente, photo argentique

 

 

Sous l’action du révélateur l’image latente va s’intensifier en quelque sorte et tous les cristaux d’Halogénure d’Argent insolés vont être entièrement transformés en Argent métallique. L’image latente est donc bien révélée et sa densité macroscopique devient suffisante pour pouvoir être exploitée.

 

 

Illustration: Image latente révélée, photo argentique

 

 

Il reste maintenant à rendre l’émulsion insensible à la lumière. L’Argent métallique lui est déjà insensibilisé, mais les cristaux d’Halogénure d’Argent qui n’ont pas été insolés (ceux correspondant à la partie sombre de la scène), eux, sont toujours sensibles à la lumière. Le plus simple est d’éliminer ces derniers, c’est à dire les retirer de l’émulsion. C’est le rôle que va endosser le fixateur qui va dissoudre les Halogénures d’Argent en les décomposant de façon soluble. Ils pourront ainsi par mise en solution être éliminés avec le fixateur.

 

 

Illustration: Fixage agent fixateur, chimique, photo argentique

 

 

Les ions Argent déjà réduits en Argent métallique eux, ne seront pas affectés par l’agent fixateur (*). On élimine donc bien seulement les composants de l’émulsion qui n’ont pas reçu de lumière. Le support de la pellicule étant transparent les parties n’ayant pas reçu de le lumière apparaissent comme transparentes également puisque complètement nettoyées de leurs Halogénures d’Argent non insolés. Tandis que les zones qui ont reçu de la lumière sont chargées d’Argent métallique et apparaissent donc opaques.

C’est la raison pour laquelle le négatif porte son nom et retranscrit par transparence en sombre/opaque les zones claires de la scène et en clair/transparent les zones sombres de cette même scène. Le négatif est en fait une véritable photographie. On préfère l’inverser lors du tirage pour d’évidentes raisons d’esthétiques courante, ce qui reste un point de vue …

(*) Cela reste vrai si on ne laisse pas l’émulsion trop longtemps en contact avec le fixateur qui à long terme va dissoudre jusqu’à l’Argent métallique. La maîtrise des temps de réactions lors du développement argentique est donc important à plusieurs égards.

 

 

Illustration: Négatif développé en photo argentique

 

 

Dans l’illustration du négatif final ci-dessus on constate que seules les parties insolées sont couvertes d’Argent métallique. Mais aussi que les zones non insolées de la pellicule ont été nettoyées par le fixateur, et ne contiennent plus ni Halogénures d’Argent ni Argent métallique qui n’a pu s’y former.

Pour ma part la raison qui m’a poussé à comprendre le fonctionnement du développement chimique était de savoir à partir de quel moment je pouvais dans la pratique ouvrir ma cuve. C’est à dire exposer mon film à la lumière sans déteriorer l’image.

Clairement il faut attendre la fin du processus de fixage avant de pouvoir sortir le film au grand jour.