J’ai bien sûr profité de l’exposition au centre Pompidou (dépliant ci-dessous) pour aller en admirer les superbes tirages argentiques!
Pour qui se passionne de photographie le nom de Koudelka résonne tout particulièrement. C’est l’un des rares photographes qui littéralement vit par, pour, et travers le processus photographique.
Ce qui en ressort, nécessairement unique, est donc intimement lié au parcours de l’être humain Koudelka. Son oeuvre photographique est saillante en ce qu’elle est très riche de notes et de réflexions manuscrites. Mais aussi de questionnements couchés sur des carnets comme autant d’artefacts d’une construction consciente de sa signature photographique, parallèle à la construction consciente, là aussi, de sa propre personne.
Décider délibérément de vivre avec un pantalon deux calçons et un sac de couchage lancé sur le dos afin de pouvoir le plus librement possible exercer sa vocation c’est faire le choix d’un ascète.
Ce choix est toujours ré-affirmé au sein de l’agence Magnum en n’acceptant aucun travail de commande, ce qui le place dans une position unique, sans doute parfois délicate, et bien entendu rétrospectivement remarquable.
Sa profession de foi à laquelle il ne dérogera pas
Les travaux de Josef Koudelka ne sont pas le fruit d’un rapport d’argent mais le reflet d’un mode de vie choisi, assumé et entièrement dédié à l’oeuvre qu’il a décidé de contruire. Car c’est en cela qu’il se distingue: très tôt dans son parcours il y a cette réelle conscience de l’ouvrage à construire.
Lorsqu’on s’est un tant soit peu essayé à la photographie, on remarque immédiatement que le temps consacré à l’ouvrage est un facteur crucial. Plus de temps conduit toujours à de meilleurs résultats. Josef Koudelka a poussé cette logique au maximum en relégant au minimum toutes les nécessités vitales du quotidien, nourriture, vêtements, couchage.
Quelques artefacts de l’ouvrage en cours
Pour des raisons économiques bien entendu, mais pas seulement. Ce minimalisme matériel est voué à le pousser à se concentrer sur la photographie, uniquement la photographie, en faisant fi du reste. Jusqu’au point où il se trouva en 1979 à Andorre être seul à dormir dehors à la belle étoile (une tente était un superflu inutile) entouré de quinze mille gitans, eux dormant à l’abri.
De sa propre bouche il est « dangereux d’avoir un chez-soi parce que tu as envie d’y retourner ».
Pourquoi tout ceci est il si important? Parce que l’oeuvre unique qui en découle est tout à fait indisociable de cette acèse qui s’étale sur plusieurs décennies. Lorsqu’on ne parvient pas à exprimer ce qui nous saisi d’un sentiment de conscience holistique à l’approche son oeuvre, il faut en revenir à l’artiste lui-même. Qui, contre vents et marées, a sans doute été l’un des rares à choisir cette approche totale de la photographie comme unité de sens.
C’est sans doute là une des raisons, sinon La raison pour laquelle Henri Cartier Bresson, certainement admiratif de ce dévouement sans failles, l’avait pris sous son aile au sein de l’agence Magnum.
D’un point de vue photographique, on retrouve tout! Même si le travail de compostion est très dominant, il y a aussi de la gestuelle, de la lumière, des textures, de l’abstraction, c’est excessivement riche, très riche!
Comment pourrait il en être autrement, il aura fallu à l’auteur éditer près de 300 000 clichés pour en extraire la substentifique moelle! La première édition d’Exils compte 61 photographies!
Planche Extraite de « Katalog »
La construction de l’ouvrage « Exils », thème de l’exposition est réellement bien couvert, du tirage argentique gigantestque de son image iconique, jusqu’aux superbes petits bijoux que sont les petits tirages de travail qui servirent à l’ébauche d’une mise en page d’Exils qui ne verra jamais le jour.
On dirait aujourd’hui des ces petits trésors qu’ils ont un format « Instax mini ». Ils ont conservés leurs « pétouilles » originelles et on ne peut s’empêcher de rester baba devant la photographie superbe mais aussi l’énorme travail d’arrangement créatif et soigné de ces planches qui constituent ce que l’auteur nommera sommairement « Katalog ». J’aurais pour ma part voulu les voir toutes!
Du très beau boulot sur cette exposition! seul bémol: l’éclairage, les tirages encadrés sous vitre sont parasités de réflexions provenant des luminaires et qui obligent à bouger la tête pour admirer l’image. Rien d’exceptionnel, c’est malheureusement un problème récurent dans les expositions photos…
Je pense simplement que la photographie n’a pas encore atteint le statut qu’elle mérite dans l’inconscient collectif. De fait ce genre de petites attentions méticuleuses ne sont réservées qu’aux « vrais » beaux-arts… Pourtant: photographie, éclairage, ça devrait faire « tilt » non? Ok, je dois être maniaque, restons en là…
Bien entendu je n’ai pas pu résister et je suis immédiatement allé acheter le livre « La Fabrique d’Exils » dont je viens de présenter quelques pages. C’est le livre qui fait office de catalogue d’exposition pour ceux qui n’auront pas pu y aller. Mais il va bien au delà: il regorge d’informations sur la philosophie et les méthodes de travail de Josef Koudelka, une mine d’or! Et ce qui ne gache rien: c’est un très beau livre!
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