Qui s’intéresse à la photo tombe un jour ou l’autre, mieux vaut tard que jamais, sur la règle du F/16 plus connue sous l’anglicisme: « sunny 16 » ~seuni sikstine~

Cette règle permet de connaître le bon réglage d’exposition sans l’aide d’un instrument de mesure. On juge à l’oeil le niveau d’exposition. L’iconographie de ce principe est souvent peu claire:

 
 
Illustration, Règle sunny 16: représentation classique
 
 

Personnelement je n’ai jamais vu un ciel qui ressemblait vaguement à cela… Il ya des représentations plus limpides (cf plus loin).

Utile ou pas ? considérant le niveau actuel de technologies embarquées: appli téléphone etc … il est peut probable de se retrouver sans moyen de mesurer le niveau lumière pour régler son exposition. Oui mais comprendre le principe de fonctionnement permet:

  1. De se libérer la position d’esclavage technologique perpétuel dans laquelle on se trouve
  2. De réagir plus vite ie de corriger ses réglages sans perdre le temps d’une mesure ou correction
  3. De frimer

Donc essentiellement il n’y a qu’une seule raison: être plus rapide et autonome.

Cette règle découle du simple fait que le soleil brille toujours avec la même intensité (photographiquement parlant). En conséquence la seule chose qui va changer le niveau d’exposition c’est tout ce qui va se trouver entre cette source lumieuse constante, le soleil, et notre sujet (le « truc » à photographier).

Entre le soleil et notre sujet viennent s’intercaler plusiseurs éléments variables dont principalement les nuages. Mais aussi l’épaisseur apparente de l’atmosphère (plus importante le soir ou le matin) et tout ce qui se situe au ras des paquerettes qui puisse générer de l’ombre.

 
 
Sunny 16 épaisseur apparente de l'atmosphère
 
 

En substance la règle du F/16 ou « sunny 16 » déclare que si la vitesse d’obturation est égale à l’inverse de la valeur ISO utilisée soit 1/ISO alors l’ouverture du diaphragme en pleine journée (ensoleillée sans nuage) fixé à F/16 correspond à un parfait niveau d’exposition.

 

Exemple:

Film à ISO 400

En plein soleil l’exposition est:

1 / ISO = 1/400 sec ~ 1/500 sec à F/16

Film à ISO 125 => 1/125 sec à F/16

 

On utilisant la règle de réciprocité on peut en déduire rapidement tous les réglages envisagés pour notre prise de vue. Par exemple 1/500 sec à F/16 est la même chose que 1/4000 sec à F/5.6 etc …

Concrètement dans la vraie vie ou les nuages ne ressemblent pas à des boules de coton hydrophile, il faut se créer des repères concrets pour différencier les diverses situations évoquées dans l’imagerie classique de ce principe. En l’abscence de repères concrets on connait la règle mais on est incapable de l’appliquer… et donc on ne l’utilise pas.

 
 
Illustration: Règle du F/16: sunny 16 et nuages
 
 

Dans l’illustration ci dessus le principe du F/16 est décliné selon la couverture nuageuse. Pas facile de savoir si on a affaire à tel ou tel nuage. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il nous importe d’observer les nuages qui couvrent le soleil, pas ceux qui sont autour comme dans les schémas classiques. Lors d’une éclaircie nous sommes à F/16 !

  1. F/16 signe: le soleil n’est obstrué par aucun nuages. Les ombres sont marquées avec un contour bien net.
  2. F/11 signe: le contour des ombres n’est plus totalement net. Le soleil est légèrement voilé donc encore visible.
  3. F/8 signe: Les ombres ont disparues, la couverture nuageuse est essentiellement blanche.
  4. F/5.6 signe: la couverture nuageuse est de couleur gris clair
  5. F/4 signe: ciel plombé, couverture nuageuse grise plutôt foncée, sensation de pluie imminente

Lorsqu’il pleut nous sommes généralement entre F/4 et F/2.8 soit 4 à 5 diaphragmes (diaphs) de moins que le plein soleil. C’est le cas des averses de front produites par d’épais Nimbus, les plus courantes dans nos régions (France métropolitaine).

Il est particulièrement difficile de distinguer entre F/4 et F/2.8, entre 4 à 5 diaphs de moins il n’y a plus de repère visuel franc et clair. Il reste l’intensité lumineuse perçue, donc au niveau fiabilité on commence à tousser un peu.

Sous un orage c’est encore différent, car il s’agit de cumulo-nimbus avec une très grande extension verticale doublée d’une grosse charge en humidité donc un pouvoir couvrant parfois exceptionnel. Sous de tels nuages on peut avoir le sentiment de se retouver en pleine nuit et voir les éclairages public s’allumer … donc ça dépend, pas de règle pour ce cas.

Voilà qui couvre les scènes dégagées avec un éclairage direct. Passons aux cas ou là source de lumière est indirecte (elle ne touche pas directement le sujet photographié). Un cas fréquent:

 
 
Illustration, Sunny 16: contre-jour
 
 

En contre jour le sujet ne reçoit pas directement la lumière du soleil. Il est éclairé par le reste du ciel qui réfléchit la lumière du soleil. Une règle donc très simple à retenir : un contre-jour c’est 3 diaphs de moins.

Il est beaucoup plus simple de réfléchir en terme de nombre de diaphragmes perdus ou gagnés car ainsi quelque soit notre référence qui peut changer d’un film à l’autre ou d’un éclairage à l’autre on mémorise seulement les décalages. Et ça marche tout le temps !

Ici nous voyons le contre jour ouvert c’est à dire que rien ne se situe derrière le photographe pour réfléchir ou absorber de la lumière. Dans ce cas de figure un sujet situé à l’ombre dont la vue est dégagée sur le ciel est un cas similaire au contre jour qu’on vient de voir. On appelle cette situation d’éclairage l’ombre ouverte ou dégagée (open shade en anglais).

 
 
Illustration, Sunny 16 open shade: ombre ouverte, dégagée
 
 

Afin d’aller plus loin il faut comprendre d’où provient l’éclairage d’un sujet en ombre dégagée. C’est ce qui permet d’analyser les situations d’ombres encaissées ou non dégagée (deep shade en anglais). Dans le cas de l’ombre ouverte c’est en fait le ciel qui éclaire le sujet. Plus exactement c’est la lumière du soleil réfléchie sur le ciel. Cette dernière phrase triviale prendra tout son sens quand on abordera la couleur de la lumière …

 
 
Illustration, Sunny 16 open shade ombre ouverte: éclairage
 
 

Note: Un contre-jour sur un sol d’asphalte particulièrement sombre (parfois presque noir) peut conduire à 4 diaphs de différence. L’environnement est important selon qu’il absorbe ou réfléchit la lumière. L’environnement urbain est souvent plus absorbant que réfléchissant.

La méthode pour analyser l’exposition des ombres encaissées, c’est à dire non dégagées est un peu plus subtile et fera l’objet d’un autre article. Elle fait appel à l’analyse de la quantité de lumière reçue par une analogie.

Il faut également évoquer le cas du F/22 qui se produit par grand soleil dégagé dans des conditions de grande réflexivité de l’environnement: à la mer sur une plage de sable clair, à la montagne dans un lieu couvert de neige fraîche.

Depuis et jusqu’à qu’à quelle heure la règle du F/16 est-elle valable? On sait bien qu’au levé et au couché du soleil l’intensité lumineuse perçue est bien moindre qu’en plein midi. Un petit truc utile presque tangible: l’ombre et sa taille par rapport au sujet.

 
 
Illustration, Sunny 16 à toute heure
 
 

En effet tant que la taille de l’ombre portée est inférieure au double de la taille du sujet la règle reste valable à coup sûr. Ensuite il reste une à deux heures ou bien moins selon la période l’année avant le couché du soleil. On rentre dans le cas où les rayons du soleil doivent traverser une épaisseur apparente d’atmosphère de plus en plus importante.

L’intensité lumineuse varie donc assez rapidement voire très rapidement dans les derniers instants. Les ajustements ne peuvent se faire qu’au jugé. Le soleil au dessus de l’horizon, avant de plonger se situe environ à -4 diaphs donc ~F/4. Parvenir à suivre sans faute la variation de 0 à -4 diaphs est assez difficile. La taille des ombres s’avère très utile pour créer un repère.

Le dernier cas simple à deviner est celui des éclairages intérieurs. L’éclairage minimum agréable en intérieur est celui qui permet de lire sans difficulté. C’est celui adopté dans la majorité des foyers et lieux publics. Un éclairage suffisant pour lire. Typiquement à moins de trois mètres d’une ampoule de 60 Watts sous abat-jour. Ce niveau correspond à une différence de 9 diaphragmes par rapport à F/16 donc on obtient pour une sensibilité de 400 ISO: 1/60 sec à F/2. On peut bien sûr lire à -10 diaphs il n’est donc pas rare de se trouver dans ce cas. En dessous c’est quand même moins confortable et donc plus rare.

 
 
Illustration: Sunny 16, éclairage intérieur
 
 

Les éclairages tamisés sont généralment situés 3 à 4 diaphs en dessous de ce niveau là, ce qui nous amène à 3200 ISO entre 1/60 et 1/30 à F/2. En lumières tamisées on peut même se situer entre 12 et 15 diaphs en dessous de F/16! Inutile de dire que le cas du trentième de seconde à F/2 n’est pas chose exceptionnelle, même à 3200 ISO … Ah ! les lumières tamisées …

 
 

Conclusion

 

La synthèse de tous ces repères permet d’avoir une idée assez claire du niveau d’exposition des lumières ambiantes. L’experience renforce bien sûr la conviction que cela fonctionne à coup sûr. Cette méthode est particulièrement bien adaptée aux émulsions négatives qui ont une grande flexibilité d’exposition et absorbent facilement les petites erreurs d’apréciation. Avec cette méthode on ne se trompe pas plus d’un diaphragme, et c’est exactement ce qu’un film négatif peut encaisser comme erreur.

En revanche ce n’est pas le cas des films inversibles (diapositives) tout comme du numérique d’ailleurs. Dans ces cas là il faut éviter de surexposer afin de ne pas « griller » ses hautes lumières (les tons clairs). Mieux vaut donc se cantonner aux situations certaines, et dans le doute légèrement sous-exposer. Pour briller la diapo requiert un écart inférieur à 1/3 de diaphs par rapport au niveau d’exposition idéal. La diapo pardonne beaucoup moins que le négatif (ce qui en fait un bon médium d’apprentissage).

En résumé la règle du F/16 est très efficace mais surtout pratique quand utilisée avec un film négatif et un appareil qui n’a pas de cellule. Et pour les appareils entièrement mécaniques, plus besoin de piles du tout !!! c’est pas écolo ça ?