Bobiner ses propres cartouches de film, quid ?

La pellicule argentique au format 135 (35mm) se vend en cartouche standard 24 ou 36 poses prettes à l’emploi mais également en gros rouleau ou bobines de 17 ou 30.5 mètres. Et bien entendu le prix au mètre est plus intéressant en gros rouleau. En revanche il faut installer le film dans une cartouche pour pouvoir employer la pellicule dans un appareil photo sandard. Il existe pour cela des cartouches ré-utilisables avec un système d’ouverture/fermeture facile.

A partir du gros rouleau de film Il y a deux méthodes pour bobiner les cartouches ré-utilisables:

  1. à la main (dans le noir complet)
  2. à l’aide d’une bobineuse (illustration ci-dessous) qu’on peut utiliser en plein jour

 
 

Illustration: Bobineuse film et cartouche

 
 

ok pour mais pour quelle économie ?

Que ce soit à la main où à l’aide d’une bobineuse, il nous faut connaître quelques détails pour calculer le gain économique au plus juste. Et ainsi savoir si le jeu en vaut la chandellle.

Pour connaître l’économie potentielle on peut assembler une cartouche de film:

  1. strictement égale à celles vendues dans le commerce i.e. avec la même longueur de film.
  2. avec la longueur de film minimum pour obtenir le même nombre de clichés qu’une pellicule du commerce.

Dans le second cas on gratte les fonds de tiroirs. Mais on va voir que pour une certaine consommation cela peut-être intéressant. Mais tout d’abord, dans les deux cas il faut connaître: La longueur du cadre sur le négatif ainsi que l’espace nécessaire entre clichés. En effet la véritable place qu’occupe un cliché sur le film est bien un cadre plus un espace. Ces longueurs peuvent varier d’un appareil à l’autre, surtout l’espace entre clichés.

 
 

Illustration: mesure du cadre sur le négatif

 
 

Ensuite il faut connaître la longueur de l’amorce et celle de l’attache. La longueur de l’amorce considérée est celle nécessaire pour engager le film dans la bobine réceptrice le l’appareil. Cela dépend donc de chaque appareil. Ces longueurs de film sont totalement perdues car ne recevront jamais d’image.

 
 

Illustration: pellicule photo, cartouche, amorce, attache

 
 

Bien sûr il faut aussi savoir quelle est la longueur du film dans une pellicule du commerce:

  • Pellicule 36 poses: 1 600 mm (mesuré sur Kodak Tri-X)
  • Pellicule 24 poses: 1 160 mm (mesuré sur Ilford HP5+)

Enfin, pour rendre les choses comparables il faut savoir combien de clichés entiers (non tronqués) on arrive à sortir pour une pellicule du commerce (= pellicule de référence dans les tables suivantes). Pour les appareils motorisés: avec avance automatique tout est généralement calibré sur 12, 24 ou 36, donc une pellicule de 36 poses donne bien 36 clichés et pas un de plus.

En revanche pour un appareil photo à avance mécanique (à la main) on est pas bloqué par l’électronique et on peut exploiter la pellicule à son maximum. Voyons combien de clichés on peut sortir d’un tel appareil avec deux pellicules standard: 24 et 36 poses.

Les mesures d’amorce etc … font référence à l’appareil photo télémétrique Zeiss Ikon ZM qui est comparable à de nombreux autres appareils photos au niveau des mesures considérées.

 

Les tables de calculs interactives (à retrouver ici)

 
 

 
 

Donc sur une pellicule du commerce prette à l’emploi calibrée pour 36 poses on peut sortir 38 clichés. Enfin, c’est le cas si on ne gâche pas inutilement son film à la mise en place de l’amorce. Mieux vaut donc éviter de faire les gros doigts au chargement.

On peut maintenant dans la même table s’amuser à chercher quelle est la longueur minimale de film nécessaire pour obtenir le même nombre de clichés. Cela nous servira dans la table de calcul lors de l’optimisation. Et bien entendu on ne s’intéresse qu’à la bobine dite « 36 poses » afin de réduire (en proportion) la perte due à l’amorce.

Quand on assemble la pellicule on peut également s’arranger pour utiliser un adhésif plus long pour l’attache du film et réduire la perte due à cette attache jusqu’à 0.

 
 

 
 

25mm de gagné par cartouche c’est un cliché de plus toutes les deux cartouches! Maintenant qu’on a calé les dimensions pour exploiter au maximum toute la longueur du film bobiné sur une cartouche voyons ce que cela donne en terme d’économies.

Derniers petits détails: les cartouches ré-utilisables ne le sont pas toutes éternellement. Les feutrines qui servent de piège à lumière finissent par se charger de poussières ce qui augmente le risque de rayer le film. On les remplace donc régulièrement. Certains, très soigneux ne les remplacent quasiement jamais (utiliser le nombre 1000 dans ce cas). Ici j’ai compté 10 utilisations par cartouche avant remplacement (inclus dans le coût de revient de ma pellicule assemblée).

Ci-dessous à gauche nous sommes dans le cas où on réplique exactement une pellicule du commerce. A droite on optimise la longueur du film dans chaque cartouche pour maximiser le nombre de clichés que l’on peut tirer d’une bobine de film. Je considère le cas le plus fréquent: l’utilisation d’une bobineuse (mettre son coût à 0 si bobinage manuel). J’ai pris comme exemple une bobine de Ilford HP5+ versus une pellicule Ilford HP5+ 36 poses.

 
 

 
 

Dans les deux cas le coût de revient de la pellicule assemblée est le même. En effet on fabrique le même nombre de cartouche dans un cas comme dans l’autre. En optimisant la longueur de film dans chaque cartouche on gagne 13 clichés, insuffisant pour faire une cartouche de « 36 poses ». On peut donc répartir ces clichés supplémentaires en ajoutant un cliché à 13 bobines. Cela évite de faire une dernière petite cartouche sur laquelle on va perdre l’amorce soit ~3 clichés.

Il est néanmoins intéressant de calculer le coût par cliché. Car en fin de compte c’est bien ce nombre qu’on a essayé d’optimiser. C’est ce même nombre que j’utilise pour calculer mes économies en considérant le nombre de clichés qu’on peut sortir d’une pellicule de référence.

En « optimisant » on gagne 13 clichés par bobine avec une économie supplémentaire de 1.31€ par bobine. Ce n’est pas géant mais les petits ruisseaux font les grandes rivières. Après 10 bobines c’est encore 2 cartouches gratuites de plus. Avec les années ça compte.

 

Conclusion

 

Sur l’économie de bobiner soi-même ses pellicules: on gagne environ 5 pellicules soit un peu plus de 25% par bobine avec laquelle on produit 19 cartouches. Si on considère une faible consommation: en dessous de 100 cartouches par an les gains financiers absolus ne sont pas considérables. Mais quand même! une conso de 100 cartouches représente 25 pellicules gratuites soit presque 1 000 clichés!

Quelle que soit la consommation un quart de pelloches en plus c’est top! Quand à l’optimisation elle n’est vraiment rentable que sur le long terme, inutile de pinailler à ce point pour 3 ou 4 bobines. Mais 25% !

Un autre intérêt est bien entendu de pouvoir faire des films de la longueur que l’on veut. Par exemple pour changer plus souvent de pellicule, ne pas rester coincé sur la même valeur ISO dans des conditions de lumière très différentes etc …

Là évidemment le côté économique en prend un coup car chaque pellicule supplémentaire aussi petite soit-elle c’est toujours la même quantité d’amorce qui part à la poubelle. Plus la pellicule est petite moins c’est rentable. Mais c’est très pratique pour faire des tests de développement par exemple.

Assembler soi-même ses cartouches c’est facile et économiquement intéressant mais il y a tout de même un point négatif: c’est encore du temps à consacrer au « process ». Pour une bobine complète compter 3/4 d’heure entre le bobinage et l’étiquettage des cartouches. Ce n’est pas trop long mais c’est à ajouter au reste. Et le temps, c’est du temps …

Par ailleurs tous les films ne se trouvent pas en bobines, et à la date où j’écris cela, en Europe la Tri-X par exemple est plus chère en bobine qu’en pellicule prette à l’emploi! En bobine le film couleur se trouve plus difficilement que le noir et blanc et surtout cela n’existe que pour le format 135: pas de bobines commercialisées au format 120.

Pour comparer deux films souvent considérés comme très proches l’un de l’autre: aujourd’hui, dans le commerce (en France) la Tri-X de Kodak est bien moins chère que la HP5+ d’Ilford, mais pour le film en bobine c’est l’inverse. Au final les cartouches assemblées à partir de bobines d’HP5+ sont bien moins onéreuses que la Tri-X prette à l’emploi.

Pour maximiser l’économie il existe des films commercialisés en bobines à des tarifs qui sont très très attractifs avec des coûts de reviens inférieurs à la moitié du prix d’une pellicule de grande marque.