La question qu’on se pose souvent c’est quel type de feuillet ou pochette choisir? Pergamine, cristal, polyester, polyéthylène, mylar, melinex etc… il y a presqu’autant de termes que de revendeurs.

Ensuite où stocker tout cela? dans une boîte, à la cave ou au grenier? Il faut bien faire un choix alors comment choisir?

 

Le contexte

 

Je n’évoque ici que le cas des films photographiques de fabrication récente, c’est à dire sur base de tri-acétate de cellulose. Le cas des films sur base de nitrate de cellulose, les fameux vieux films qui peuvent s’auto-enflamer, et qui ont occasionné des incendies historiques spectaculaires, n’est pas évoqué dans ce qui suit.

C’est d’ailleurs lors du passage sur base d’acétate de cellulose que certains fabriquants ont commencé à faire apparaître la mention « SAFETY FILM » directement sur la pellicule, afin de bien indiquer la disparition du danger de manipulation que représentait les films sur base de nitrate de cellulose…

 
Illustration: Safety Film
 

Revenons à l’archivage de nos précieux négatifs.

Il y a deux approches: celle qui consiste à observer et répliquer les méthodes et expériences des autres. L’avantage c’est que ces méthodes ont été mises à l’épreuve du temps (d’un certain temps… la photographie ne datant pas du moyen-âge). Cela leur confère une certaine légitimité. Mais c’est un peu comme sur internet, on trouve tout et son contraire, il n’y pas de démarche scientifique. C’est donc TOTALEMENT empirique.

Puis il y a l’approche scientifique avec tout un tas d’analyses à l’appui, dont certaines, peuvent tout de même donner lieu à des interprétations contradictoires… Dans ce cas c’est donc un pari fait sur l’avenir étayé par des connaissances acquises rationnellement et ancrées dans de sérieuses études. Sauf que, on a ZERO recul historique… C’est de nos jours la méthode employée par les archivistes de métiers, qui travaillent au sein de musées et autre organismes de conservation du patrimoine mondial.

Terminologie:

Papier d’archivage pH neutre: c’est un papier à haute teneur en Alpha-Cellulose, soit très peu voire pas du tout de lignite, la lignite c’est l’ennemi du papier d’archivage.

Papier Cristal = Papier Pergamine = Glassine: c’est théoriquement un papier de soie (fabriqué à partir de fibre de mûrier) traité à la glycérine, translucide mais non transparent.

Passons aux plastocs, le plastique c’est fantastique (comment ne pas la placer…) entre les appellations scientifiques, les noms de marques et les noms communs il y a de quoi s’y perdre, d’autant que certains sont hautement recommandés tandis que d’autres hautement déconseillés… on n’arrête pas le progrès:

PVC: ou Polychlorure de Vinyl, à proscrire totalement pour l’archivage. En vieillissant, il jaunit, devient collant, cassant etc… bref c’est la Bérézina pour pas cher…

Acétate: (sans traitement de surface) très fin et transparent, peu onéreux, c’est le même type de base que celle de nos films (tri-acétate) ou pellicules photographiques modernes,  à éviter c.f. plus bas

Polypropylène: (Sans traitement de surface) Moins transparent et plus épais que le polyester, peu onéreux. Deux camps s’affrontent avec de très fermes positions, dans le doute d’abstenir c.f. plus bas.

Mylar (nom de marque) = Melinex (nom de marque) = polytéréphtalate d’éthylène = PETE = PET

tient donc? PET, c’est pas le plastoc des bouteilles ça? ben si! C’est un Polyester saturé sans aucune similitude avec le Polyéthylène. C’est LA rolls de l’archiviste 2.0 (*), toute nation confondue, très fin, stable, neutre (en pH) et transparent, il a tout pour plaire sauf son prix.

(*) c’est pour faire geek, en vrai 2.0 je ne sais pas ce que ça veut dire, mais ça fait bien de le placer, et « pi » c’est mieux que 1.0, enfin « y parait » …

 

L’expérience ou l’analyse?

 

Bon maintenant un petit tour d’horizon des retours d’expériences car, la science c’est bien, mais le concret bien boueux c’est quand même plus « cracra » sympa.

A l’attaque du plastoc! tu ne pensais quand même que j’allais passer à côté de cette bête immonde de matériel de … sans faire une grimace vilaine voire haineuse? C’est du toc, normal c’est en plastoc… sauf que bon bref, voyons:

Retours de particuliers ou de personnes ne travaillant pas dans un milieu idéal en CNTP (va voir sur internet si tes cours de chimie sont loin), etc… bref des monsieurs tout-le-monde:

On ne compte pas le nombre de personnes ayant eu à décoller puis ruiner un négatif qui adhère au feuillet plastique. C’est LA majorité des retours d’utilisateurs mécontents. OUI mais de quels plastiques s’agissaient-il? certainement de polypropylène ou d’acétate (ou même PVC), relativement peu cher, ces feuillets sont très répandus. Problème de formulations non standardisés ou de condition de stockage, les deux? on ne peut savoir. Toujours est-il que ce problème est TRES répandu chez les particuliers.

L’autre problème des feuillets plastiques, du Mylar au PVC c’est leur propriété statique qui leur confère une forte tendance à attirer les poussières.

Pour les particuliers peu attentifs à leur conditions de stockage, température, hygrométrie, phase de la lune etc… les retours sont souvent plus positifs pour les feuillets de type papier cristal ou pergamine. Pourquoi?

Tout d’abord le papier cristal est « respirant », si de l’humidité entre, elle peut également sortir. Il est vrai que la pergamine humide colle au négatif, mais cela n’est pas un problème: il suffira de bien laver le négatif pour que le papier s’en décolle. Tandis qu’un négatif collé sur du plastique équivaut à tout perdre:le négatif ET le précieux plastique…

Donc ce papier cristal, pourquoi les archivistes ne l’aiment-ils pas? car c’est un produit non standardisé, il est donc difficile de savoir ce qu’il y a vraiment dedans d’un fournisseur à l’autre. De plus historiquement ce papier n’était pas produit pour être de pH neutre et contenait une certaine quantité de lignite, plus quelques autres adjuvants en sus de la glycérine.

Certains archivistes en parlent comme d’un « amalgame de colles et de fibres de papier séchés »… chez les archivistes le papier cristal a mauvaise presse. Dans le même temps le papier de soie à pH neutre lui est préféré, par ces mêmes archivistes! Alors que c’est censé être la même chose! Bref les industriels se jouent encore des mots!

Même problème qu’avec nos assiettes: on ne sait plus ce qu’il y a dedans…

Tout ceci à conduit de nombreuses archives à être endommagées par des réactions entre le papier cristal et le médium photographique. Il est sans doute vrai que le papier pergamine produit de nos jours est probablement de meilleure facture (sans traitement et de pH neutre) pour des applications d’archivage. Néanmoins aucun standard ne permet d’être certain de ce que l’on a entre les mains, et qu’il n’y reste pas un peu de lignite et autres adjuvants inopportuns.

Quid du Polypropylène? Sa neutralité sur le long terme n’étant pas avérée les archivistes purs et durs préfèrent ne pas l’utiliser. En réalité cette position provient d’une part des critères choisis pour la dénomination « qualité d’archivage », et d’autre part d’un manque de formulation normée pour le polypropylène. Certaines variation de formulation auraient des incidences plus néfastes que d’autres.

C’est pourquoi des organismes très officiels aux US valident l’utilisation du polypropylène pour l’archivage (sur certains critères), alors que des puristes en France (il faut bien manifester cette fameuse exception culturelle) aux manettes d’archives d’ampleur nationale, réfutent totalement l’idée d’attribuer au polypropylène tout statut d’archivage. Et ce pour des raisons de divergence sur les critères retenus ainsi que le manque de formulation industrielle suffisamment normée.

sortons de cette boue empirique un instant:

Des études menées par Kodak sur le vieillissement des négatifs en milieu ventilé sur base tri-acétate ont donné les résultats suivants:

  1. Température: 20‎°C, Taux d’humidité relative RH=40%, Durée de vie des négatifs: 50 ans
  2. Température: 0‎°C, Taux d’humidité relative RH=40%, Durée de vie des négatifs: 1000 ans

Il faut savoir que le tri-acétate se détériore de façon autocatalytique, c’est à dire que les produits de sa détérioration contribuent à l’accélération du processus de détérioration. Donc pour nos négatifs, quand ça sent le vinaigre, ça sent le sapin… L’acide acétique est un des produits de la décomposition du tri-acétate. Ceci ne fait pas des bases acétates le meilleur candidat pour en faire des feuillets d’archivage.

De fait le confinement total est à proscrire, afin de pas accélérer la détérioration. Ce point tendrait à proscrire la solution plastique.

Par ailleurs à humidité élevée le plastique colle aux négatifs qui finissent par y adhérer définitivement, ce qui renforce le rejet de la solution plastique pour l’archivage des négatifs.

De cette étude on peut donc retenir que les deux points majeurs sont la température et la ventilation lorsque le taux d’humidité n’est pas trop élevé. D’autres études ont montré qu’un taux d’humidité élevé était extrêmement néfaste à la duré de vie des négatifs. Donc l’ennemi Numéro 1 c’est l’humidité, et l’ennemi Numéro 2 c’est la température. Quand on y pense c’est normal: l’humidité est un véhicule et la température un accélérateur d’échanges chimiques.

Il semble que les archivistes de métier s’orientent vers deux matériaux pour la préservation des négatifs de valeur historique. Le papier d’archivage (sans lignite, de pH neutre) d’une part, et le Mylar ou Melinex d’autre part car ces sont des polyesters normés dont on connaît les caractéristiques précises. Le Mylar c’est du Mylar, un polyester, c’est bien mais c’est insuffisamment cadré, en bref on ne sait pas ce que c’est. Le Mylar/Melinex semble souvent préféré pour des raisons pratiques, essentiellement parce qu’il est transparent. On évite ainsi de manipuler le négatif lui même pour l’observer, l’inspecter.

Pourquoi ce goût du plastique alors qu’il semblerait à proscrire? Et bien tout d’abord l’archiviste travaille en milieu calibré: température constante, hygrométrie régulée, poussières contrôlées etc… ce qui est tout à fait inaccessible au particulier sans faire exploser la tire-lire. Pas de problème d’humidité signifie pas de problème de négatif qui colle au feuillet. On s’affranchit aussi ce problème en évitant les gros empilements qui écrasent les négatifs sur leur feuillets etc… Bref comme pour tout, c’est un métier qui va très loin dans les détails.

Quid de la dégradation autocatalytique et du manque de ventilation? Pour réduire ce problème certains feuillets Mylar destinés aux négatifs contiennent des coutures collées en pointillés qui permettent une certaine circulation d’air. Ou à défaut qui permettent la présence d’une petite poche d’air, d’une réserve tampon en quelque sorte.

Mais ce qui reste primordial à retenir c’est que Mylar pointillé ou non les deux facteurs majeurs de détérioration que sont l’humidité et la température sont déjà réglés. Qui plus est, et c’est là un point très important: ces archives sont régulièrement inspectées. De fait lorsqu’un problème est détecté il est pris en charge au plus vite.

Cet arsenal est inaccessible au vulgum pecus que ne nous sommes. Alors que faire?

Il faut rester réaliste dans ce que nous pouvons accomplir et travailler sur les facteurs majeurs. On a vu qu’en somme l’environnement est plus important que le choix Pergamine ou Mylar. Et si la NASA préserve ses négatifs revenus de la Lune dans des congélateurs, c’est impensable pour un particulier.

On a également compris que les greniers sont à éviter pour cause de températures trop élevées en été, et que les caves humides sont la pire des solutions. L’idéal du particulier est donc un endroit sec, ventilé et pas trop chaud. Le chanceux aura une cave sèche, à défaut un garage sec et ventilé fera l’affaire dès lors qu’il ne monte pas à 50°C en été.

Les solutions passives, qui ne nécessitent pas de consommation d’énergie, sont bien entendu à privilégier. Mais lorsqu’en on habite au pied de la Garonne (fleuve dans une région chaude de France métropolitaine) on est certainement pas idéalement situé, en terme d’humidité et de température. A moins d’avoir de la famille sur un coteau dont le sol est bien sec il faudra se diriger vers des solutions actives.

 
Illustration: Archivage: conservation et stockage des négatifs à la maison
 

Les armoires à hygrométrie et température régulées les moins chères sont les armoires à vin. Il en existe de toutes tailles, et leur système de régulation est suffisant pour un particulier un peu soucieux. Une aération régulière permettra d’y maintenir une atmosphère saine. Et puis, on peut y mettre du vin…

On pourra ensuite choisir selon son budget le papier pergamine dit d’archivage qui donnera des boutons au premier archiviste venu ou une solution tout Mylar, pointillés en tête. Mais plus simplement, il est sans doute préférable pour des raisons de coût de faire un tri. Ce qui est important sera mis sous enveloppe d’archivage pH neutre etc… et le reste sous Pergamine moderne. Ainsi, à moindre coût on peut se constituer une archive qui pourra raisonnablement affronter les affres du temps.

Quoiqu’il en soit, investir dans la solution Mylar sans avoir l’environnement (sec et non poussiéreux) adéquat s’est s’assurer de bien « bousiller » son archive dans les règles de l’art. C’est pourquoi de nombreux particuliers ont vu leurs archives de famille survivre dans cet abominable Pergamine, qui malgré tout respire, et n’attire pas la poussière. Simplement parce que le niveau d’humidité et la température n’étaient pas trop élevés. Mais aussi parce que les négatifs en question dataient sans doute de moins de 50 ans…

La conclusion c’est qu’en matière d’archivage et de préservation il n’y a qu’un maître mot: l’environnement, l’environnement, l’environnement!